Fin de l’ERT, chute libre dans la crise politique grecque ?

12 Juin 2013



La vague de manifestations de cet été 2013 continue son avancée dans le sud-est du continent européen. À peine une semaine après le début des protestations sur la place Taksim, à Istanbul, Athènes est à son tour secouée par des citoyens mécontents.


Crédit Photo -- Reuters
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Mardi dans l’après-midi, alors que les touristes, venus profiter du soleil et des plages grecques, lézardent sur leurs chaises longues, sirotant des « freddo cappuccino μέτριο με κανέλλα » (cappuccino froid à la cannelle) et des « φραπέ με γάλα » (frappé au lait), l’agitation commence à monter à Aghia Paraskevi (banlieue nord-est d'Athènes) dans le bâtiment principal du groupe audiovisuel public grec, Ellinikí Radiofonía Tileórasi (ERT). D’abord une radio durant la période de l’entre-deux-guerres, ce groupe s’élargit et crée dans les années 60 la première chaîne de télévision hellénophone, aujourd’hui nommée ET1, en Grèce. N’émettant que de 17h à 2h du matin les 20 ans qui suivirent sa création, cette chaîne peut se targuer surtout un attachement historique et symbolique très fort de la part de la population grecque, « ERT appartient au peuple grec (...) c'est le seul média indépendant et la seule voix publique », d’après le syndicat GSEE. Selon Christos, journaliste retraité, le groupe ERT est aujourd'hui « un média libre, un média du peuple », comportant une chaîne de télévision ET1, cinq radios (ERA NET, ERA2, ERA3, ERA SPOR et ERA5/Voix de Grèce), ayant 19 stations régionales dépendantes et KOSMOS (world musique en FM) et FILIA (radio multilingue).

Pourtant, ce groupe historiquement établi, a été secoué ce mardi après-midi par l’annonce du porte-parole du gouvernement, Simos Kedikoglou, qui a déclaré que : « la diffusion d'ERT s'arrêtera après la fin des programmes ce soir (mardi 11 juin 2013) ». Expliquant cette décision par « l'absence de transparence et de dépenses incroyables » du groupe ERT. Suite à cette déclaration, les médias locaux ont publiquement annoncé une « suspension provisoire d’un mois afin de procéder à une réorganisation de la ERT » et le ministère des Finances a révélé au même moment qu'ERT n'existait plus en tant que groupe. Ainsi près de 2600 employés se sont retrouvés au chômage ce mercredi matin. Le gouvernement assure qu’une compensation sera donnée et ces derniers ne pourront postuler qu’à partir du moment où une restructuration de l’organisation de la chaîne et ses dépendantes sera faite.

Suite à cette annonce, les chaînes d’ERT ont cessé d’émettre après les programmes de la soirée et les écrans sont devenus noirs à 23h, heure grecque (21h GMT). En signe de protesation, les employés sont revenus au bureau mercredi matin et ont enregistré des émissions, disponibles uniquement sur le site internet du groupe : ert.gr.

Des manifestations des employés et des syndicaux ont débuté de suite, rejoints très rapidement par la population. Les réactions politiques ont été vives et tranchantes.
Le leader du principal parti d'opposition Syriza, Tsipras, dénonce un « coup d’État », le socialiste Pasok déclare : « nous sommes absolument en désaccord avec les décisions et la gestion du gouvernement dans cette affaire », rejoints par Dimar (Gauche démocratique), qui affirme que son parti « réitérera sa ferme opposition à la fermeture d'ERT ». Ainsi le pouvoir grec, déjà divisé par la crise économique, s’affronte sur un sujet de liberté médiatique. Une opposition qui affaiblit d’autant plus la coalition au gouvernement, déjà très fragile et qui pourrait plonger le pays dans une crise politique. D’autres structures, notamment les agences maritimes, s'apprètent à entamer des grèves, par solidarité avec le groupe ERT, ce qui mettrait le pays en encore plus grande difficulté, alors même qu'il essayait de sortir de la crise grâce au tourisme estival. 

Le propriétaire d’un café sur l’île de Santorin a confié au Journal International que « cette chaîne publique a très peu d’audience et la qualité des émissions reste à désirer et donc une réduction du nombre d’employés est tout à fait justifiée ».

Ainsi dans une quête de limitation du budget, l’État chercherait à réduire ses dépenses en limitant les recettes de médias, gérés « à la grecque » d’après lui, mettant ainsi la scène politique hellénique dans un désordre complet. Privilégie-t-il l’économique à la politique, risquant ainsi une crise générale dans le pays, qui pourrait effectivement aboutir à un « coup d’État » ?


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Étudiante en dernière année de master Finance et Stratégie à Sciences Po Paris, je suis passionnée... En savoir plus sur cet auteur